Que voulez-vous faire de l'interview ? De la
réponse à cette question découlera la longueur de l'interview et la
manière dont vous poserez vos questions...
L'interview préparatoire
On est toujours tenté de faire de longues interviews.
On se dit qu'il vaut mieux en faire plus que pas assez pour être sûr
de trouver au moins quelques extraits qui seront exploitables... N'oubliez
pas que décrypter une interview (retranscrire les éléments susceptibles
d'être utilisés) d'une heure pour en conserver seulement quelques secondes
peut être très long et frustrant ! On se rend compte souvent que
les trois quarts de l'interview auraient pu être résumés en une minute
ou deux.
C'est pourquoi, lorsque vous préparez une interview
de fond, il peut être très utile de ne pas enregistrer tout de suite
et de faire une première interview pour noter certaines réponses par
écrit. Cette interview préparatoire sert à établir les faits (les
"5 W", "Who, What, Where, When, Why", c'est-à-dire
Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Pourquoi ?). Elle
permet de mieux cerner le sujet, de mettre en confiance la personne
interviewée, et d'éviter de gaspiller de la bande pour recueillir des
extraits sonores qui ne seront pas utilisés dans le reportage, du genre
"Comment écrit-on le nom de votre village ?" "Vous
avez combien de femmes ?" Etc.
Toutes ces questions sont importantes parce qu'elles
visent à établir les faits. Mais elles n'ont pas leur place dans l'interview-radio
qui doit servir à développer le sujet. Ces questions doivent être posées
avant d'enregistrer et les réponses (qui seront inclues ou non dans
le commentaire) notées par écrit. L'interview elle-même sert à aller
plus loin, à connaître le fond de la pensée de la personne interviewée
sur le sujet auquel on s'intéresse.
Par contre, dans les cas où vous souhaitez obtenir
des réponses spontanées de l'interviewé, il peut être souhaitable de
ne pas faire cette "pré-interview".
Exemple : l'interview d'un vieux pêcheur
Voici quelques-unes des questions posées durant
cette interview : "Vous travaillez dans le port depuis
combien de temps ? Combien d'enfants avez-vous sous votre
responsabilité ? Sont-ils tous sous le même toît ? Comment
avez-vous économisé pour acheter vos terres ? Combien de
maisons avez-vous ? Quels sont vos loisirs ? Vous pratiquez
quelle religion ? Vous êtes originaire d'où ?".
La qualité technique de cette interview était
irréprochable. Le pêcheur interviewé était sympathique, à l'aise
et s'exprimait bien. Mais il n'y avait pas de sujet parce que
le journaliste n'a pas su en cerner un. Le portrait d'un homme
qui trime dur pour survivre et nourrir ses femmes et ses nombreux
enfants n'a rien de très original.
Si l'intervieweur avait écouté ce pêcheur avant
de l'enregistrer, il aurait pu identifier un sujet sur lequel
il aurait, par la suite, concentré ses questions. Puisque ce pêcheur
a 5 femmes et 24 enfants, ça aurait pu être la polygamie, un sujet
qui touche de nombreux pays. Peut-être est-elle remise en question
par certains dans ce pays. Un deuxième sujet possible : la concurrence
(si elle existe) entre ces petits pêcheurs traditionnels et les
grandes entreprises de pêche. Un autre sujet ? Le fait que
ce métier soit en voie de disparition (si c'est bien le cas).
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