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Le magazine radio Un guide de rédaction pour les
journalistes par Robert Bourgoing ©2002
1 - Le sujet de reportage Comme dans un journal ou à la télévision, on peut parler de tout en radio. Mais certains sujets permettent mieux que d'autres de tirer profit des caractéristiques propres à ce média et, même si l'on peut parler de tout, on ne peut pas le faire n'importe comment. A chaque étape de la préparation d'un reportage radio (lorsqu'on choisit un sujet, qu'on décide d'un angle et d'une manière de le traiter, quand on rédige le script du reportage radio et qu'on l'enregistre), il faut toujours garder en tête et tenir compte des contraintes et des avantages spécifiques à ce média. a) Les caractéristiques de la radio... i) ...par rapport à la presse écrite. - Le lecteur d'un journal peut revenir sur une phrase dont il n'a pas bien saisi le sens. Ce n'est pas le cas en radio. Il faut comprendre du premier coup. - Le lecteur est absorbé par sa lecture. Pendant qu'il lit, il ne fait pas autre chose. Il est complètement concentré. L'auditeur fait souvent autre chose en même temps. Il conduit sa voiture, discute avec ses amis, commente ce qu'il vient d'entendre, etc. Il est souvent distrait. - Le lecteur peut choisir ce qu'il lit dans un journal. Si le titre d'un article ne l'intéresse pas, il passe au suivant. L'auditeur, s'il capte plusieurs stations, peut aussi changer de poste s'il n'est pas intéressé par ce qu'il entend. Mais il ne "fabrique" pas lui-même son bulletin (au contraire du lecteur). Il est "captif" du bulletin ou de l'émission de radio. Le journaliste radio choisit et impose à l'auditeur les éléments qui lui semblent pertinents. ii) ...par rapport à la télévision. - On dit de la télévision que c'est un média "froid" alors que la radio est un média "chaud". On dit "chaud" parce que l'auditeur est sollicité, il participe à ce qui est raconté en se fabriquant sa propre image mentale de ce qui est dit. La radio est "émotive". A l'opposé, la télévision est un média "froid" dans le sens où une moindre part est laissée à l'imagination du téléspectateur. Celui qui regarde la télé est un "spectateur" (comme son nom l'indique). C'est le média du divertissement. - Comme "une image vaut mille mots", le journaliste télé n'a pas besoin d'être aussi descriptif dans son commentaire. Les descriptions ne sont pas du même ordre. La radio permet de rendre des atmosphères par l'utilisation des sons et aussi par un commentaire imagé et descriptif. b) Le choix du sujet i) Un sujet "radiophonique" En radio, pour qu'une histoire soit intéressante à écouter (et donc, à raconter), il faut qu'elle implique des êtres humains et, préférablement, qu'elle puisse être illustrée par des ambiances sonores. L'auditeur s'intéresse beaucoup plus facilement à un sujet quand il a des répercussions concrètes sur la vie des gens et qu'il peut se mettre à leur place. Quelqu'un dira, par exemple, "Faisons un reportage sur les feux de brousse", ce à quoi un autre répondra : "Mais ça a déjà été fait des dizaines de fois". Effectivement, ce ne serait pas la première fois qu'on aborde ce thème. Mais le journaliste pourrait proposer : "Dans le village X, des jeunes font du théâtre pour faire comprendre aux gens les dangers des feux de brousse..." Vu sous cet angle, le sujet prend forme. Il implique des êtres humains. Le journaliste pourra assister à la pièce de théâtre et enregistrer des sons intéressants. Ca sera peut-être amusant, même si le sujet est grave. Le fait que des enfants soient impliqués donne aussi une portée particulière au sujet puisqu'ils forment la relève, ceux de qui dépendront les efforts de protection de la nature. Il vaut mieux éviter de traiter un sujet à partir de notions abstraites. Par exemple, les grands sujets économiques qui impliquent des enquêtes avec des chiffres et des statistiques peuvent donner de très bons articles dans la presse écrite. Le lecteur pourra les lire à son rythme en prenant le temps de revenir sur une phrase qu'il n'a pas bien comprise ou des chiffres qu'il a de la peine à interpréter du premier coup. S'il faut faire un reportage radio sur l'impact de la dévaluation sur l'élevage au Burkina, nous préférerons l'histoire d'un éleveur ou l'interview d'un exportateur à une enquête statistique ou l'interview d'un porte-parole gouvernemental. On aura plus de chances de capter l'attention de l'auditeur moyen parce qu'il s'identifiera plus facilement à des gens qui lui ressemblent ou dont l'histoire le renvoie à des émotions ou des situations qu'il vit lui-même. ii) Un sujet intéressant pour... vos auditeurs Cela peut sembler une évidence, et pourtant... on l'oublie souvent. Que l'émission à laquelle vous collaborez soit diffusée dans l'aire de diffusion de votre radio (radio locale), sur le territoire de votre pays (radio nationale) ou dans toute l'Afrique (Africa No 1, RFI, BBC, Fréquence Verte) a des implications importantes sur le choix du sujet et la manière de l'aborder... Sachez à qui vous vous adressez et, compte tenu du cadre de l'émission à laquelle vous collaborez, essayez de cerner ce qui risque de les intéresser. Si votre reportage doit être diffusé loin de chez vous, ne prenez pas pour acquis qu'on connaît votre pays. Si vous êtes Sahélien et que votre reportage est entendu à Madagascar, prenez la peine de décrire un peu les paysages, les cultures, la manière dont les gens s'habillent, etc. Regardez ce qui vous semble banal avec des yeux neufs... Comment savoir si le sujet peut intéresser les auditeurs d'autres pays ? Demandez-vous si le sujet que vous proposez vous intéresserait s'il était traité dans un autre pays. Si non, il vaut mieux chercher un autre sujet. Certains thèmes propres au monde rural africain sont susceptibles d'intéresser tout le monde : organisations paysannes, chefferies, rôle de la femme, tradition et modernité, santé, etc. D'autres grands thèmes comme l'amour ou la haine, la naissance ou la mort touchent tout le monde. A vous de trouver des sujets qui s'y rattachent. N'abusez pas des interviews de responsables d'ONG ou d'experts (vétérinaires, techniciens agricoles, etc.). Donnez la parole à des gens à qui vos auditeurs pourront s'identifier. Si vous travaillez dans une radio rurale, faites parler des paysans. iii) Un enjeu fort L'enjeu est une notion extrêmement importante mais pas toujours bien saisie par les journalistes. L'enjeu, c'est ce qui est profondément en cause dans l'histoire que vous racontez. Un enjeu = "ce que l'on peut gagner ou perdre dans une entreprise" (le Petit Robert). Ce qui est en jeu = ce qui est en cause, en question. Essayez, presque toujours, de partir du "micro" pour déboucher sur le "macro". Exemple : Ca peut être le besoin de manger à sa faim, de communiquer, la liberté de pouvoir s'exprimer, un environnement où on peut bien vivre (théâtre pour lutter contre les feux de brousse), etc. Même si la vanille n'intéresse pas tout le monde, un reportage sur les vols de vanille sur pied devrait captiver les auditeurs parce qu'il illustre le problème de la pauvreté extrême des Malgaches (dont certains se faufilent la nuit dans les champs pour voler les récoltes) et, surtout, des vols en milieu rural, fléau très répandu dans plusieurs pays d'Afrique. Evitez les sujets "institutionnels", les compte-rendu de séminaires, les rapports de conférence, les reportages sur des lancements de projet de développement ou sur une expérience qui n'a pas fait ses preuves. C'est la solution de la facilité. Elle donne lieu généralement à des reportages soporifiques. Soyez originaux dans la recherche de sujets. Faites découvrir des personnages hors du commun. Examinez une situation sous un angle nouveau (en demandant, par exemple, l'avis des enfants sur un problème d'adultes.....). Utilisez l'humour, osez être un brin impertinent, faites jouer les sons d'ambiance pour créer des atmosphères, laissez libre-cours à votre créativité, faites sauter les carcans dans lesquels trop de journalistes s'enferment. En résumé, soyez vous-même, soyez vivant ! Comment trouver un sujet ? Il n'y a pas de recette. Ca peut être un grand sujet dont tout le monde parle, un fait divers dont vous tirez un beau sujet "humain" et qui touchera la corde sensible de vos auditeurs... Quand vous partez en reportage, ouvrez grandes vos oreilles : c'est parfois quand on s'y attend le moins que les plus beaux sujets nous tombent dessus. Soyez persévérant, n'hésitez pas à changer de sujet en cour de route ou même à prolonger votre séjour, dans la mesure du possible, pour traiter un deuxième sujet. iv) Un angle précis Il faut absolument décider d'un angle pour le reportage. Cela doit se faire avant de partir ou au cours du reportage-terrain. Sinon, on s'éparpille, on fait des interviews dans tous les sens, on revient avec une tonne de matériel, on n'arrive pas à en faire la synthèse et le reportage n'a ni queue ni tête. L'angle, c'est un aspect du sujet, le point de vue choisi pour illustrer un problème plus vaste. Autrement dit, le sujet peut se situer dans le "macro" et l'angle dans le "micro". Exemple Le thème : les feux de brousse Un bon angle peut 'réinventer' un sujet. Par exemple, si un griot se considère comme un bon baromètre de l'économie parce que les gens lui donnent moins quand l'économie va mal et qu'il témoigne d'une diminution ou d'une augmentation de ses revenus (ce qui confirme, d'après lui, qu'il y a crise ou non), ce serait un angle original pour parler de la crise économique. Un sujet sur les obstacles à l'intégration économique ou sur la corruption ? Le journaliste peut choisir de se mettre en scène, de "vivre son sujet" en faisant un voyage dans un camion de marchandises qui doit franchir de nombreux barrages "douaniers". v) Le traitement du sujet Vous pouvez décider d'en faire un reportage "classique" avec un texte, des extraits d'interview et des sons. Vous pouvez aussi choisir de traiter le sujet en faisant plutôt une bonne interview de fond avec une personne qui a des choses intéressantes à raconter. Vous pouvez encore préparer un "plateau", c'est-à-dire une intervention en direct avec l'animateur de l'émission à laquelle vous participez et à qui vous raconterez votre histoire, avec ou sans extrait d'interview. Dans ce dernier cas, c'est au journaliste d'écrire les questions et les réponses (sans écrire les réponses au long pour laisser place à un peu d'improvisation et au naturel...) et de raconter concrètement ce qu'il a vu et entendu. Avant d'aller en ondes, il revoit ce texte avec l'animateur de l'émission et fait quelques corrections, si nécessaire. C'est lui qui présente les extraits d'interview. Par rapport à ces extraits, il doit faire un choix et ne garder que ceux qui lui semblent les plus importants. Il doit entrer rapidement dans le vif du sujet.
vi) Les propositions de sujets Lorsque vous proposez un sujet de reportage, il est important de donner le plus de détails possibles au responsable de l'émission. Exemples à bannir : "Je voudrais vous proposer des reportages
sur les thèmes suivants : Comment répondre à ces propositions ? Comme l'écrit le journaliste lui-même, ce sont des "thèmes de reportage". Ces grands thèmes peuvent effectivement donner lieu à des reportages qui entrent dans le cadre général d'une émission. Mais il ne s'agit pas de propositions de reportages. Qu'est-ce qu'il y a de nouveau à dire sur les feux de brousse ? Quel angle pour les reportages sur la régionalisation ou le petit crédit ? Un reportage sur la sécurité alimentaire : d'accord, mais pour dire quoi ? Il faut une proposition détaillée qui indique le sujet, l'angle et le traitement, les personnes que vous prévoyez interviewer et, éventuellement, les ambiances sonores envisagées. La proposition est un résumé du reportage que vous voulez faire. Elle vous permet de clarifier les questions que vous vous posez et la direction générale que vous souhaitez donner à votre reportage. Il ne s'agit pas, bien entendu, de décider à l'avance du contenu précis de votre reportage. Sur le terrain, il vous faudra rester ouvert et prêt à accepter que l'idée que vous vous étiez faite de votre sujet ne correspondait pas à la réalité. Que vous fassiez cette proposition de manière orale ou par écrit, elle vous aidera à cerner le champ de votre investigation, vous évitera de partir dans toutes les directions et vous épargnera la déception de revenir avec un sujet qui n'intéresse pas votre rédacteur en chef. c) La préparation du sujet C'est la règle d'or de tout bon journaliste : avant de partir sur le terrain, il faut normalement se préparer. Cette préparation implique d'identifier les lieux et les personnes à rencontrer et à interviewer. Il faut aussi savoir un minimum de choses sur le sujet de reportage. Pour cela, avant de partir sur le terrain, il faut discuter avec des gens qui connaissent le sujet que vous allez couvrir. Quand on possède bien les tenants et les aboutissants du sujet, tout coule plus facilement (sujet, angle, traitement, personnes à interviewer, questions à poser). Cette préparation est nécessaire même si votre reportage n'entre pas dans tous les détails du sujet. Elle vous aidera dans votre compréhension ("Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement..."). Une fois sur le terrain, elle ne doit pas vous empêcher, biren sûr, de saisir l'occasion de couvrir un autre sujet imprévu. 2 - L'interview a) Un peu de psychologie... La plupart des gens sont prêts à nous dire ce que nous voulons savoir. Tout est dans la manière de les approcher et dans notre disposition à les écouter. C'est ici qu'il faut user de psychologie. Le premier talent de l'intervieweur est de savoir user de psychologie. Il doit être à l'écoute de l'interviewé, capable de se mettre à sa place, de lui faire sentir qu'il s'intéresse véritablement à lui, qu'il n'est pas là pour le piéger, qu'il mérite sa confiance, qu'il le comprend. Pour arriver à être un si bon "psychologue", il n'y a pas de secret : le journaliste doit être sincère dans ces sentiments. i) L'état d'esprit de l'intervieweur Quand on est mal à l'aise, la personne devant nous le ressent et, souvent, se fige. Si on essaie de "coïncer" l'interviewé, il le sentira et se fermera. Pour être à l'aise, il vaut mieux être clair dans sa tête (savoir quelles questions on veut poser) et honnête avec l'interviewé. Souvent, c'est quand on est détendu, qu'on ne cherche pas le sensationnel, qu'on s'enlève de l'idée qu'un bon reportage doit nécessairement contenir une controverse et qu'on s'intéresse véritablement à ce que la personne pense (plutôt que d'attendre d'elle qu'elle confirme ce qu'on pense déjà) qu'on obtient les réponses les plus étonnantes, les informations les plus près de la réalité des choses et les interviews les plus satisfaisantes. Permettez-vous de faire des erreurs. Si vous trébuchez dans vos mots, reprenez votre question... ii) L'état d'esprit de l'interview Tout le monde n'a pas l'habitude de répondre aux questions d'un journaliste. On peut être intimidé par un étranger qui débarque au village et qui enregistre nos paroles dans sa machine pour en faire on ne sait quoi. Le micro et le magnétophone peuvent sembler menaçants. Pour aider les gens à se détendre, il n'y a pas de miracle : il faut se mettre à leur place, bien se présenter, expliquer ce que l'on fait et l'usage qui sera fait de l'information. Au besoin, vous pourrez aussi faire réécouter une partie de l'interview à l'interviewé. Il faut, bien entendu, utiliser un niveau de langue différent selon qu'on se trouve devant un paysan analphabète, un responsable d'ONG, un chef de village ou un enfant. Ce qui peut sembler banal à l'interviewé ne l'est pas nécessairement. Il faut le lui rappeler. Au besoin, vous pouvez aussi encourager la personne interviewée par des petits signes de tête pour lui montrer que ses réponses vous intéressent. Il ne faut pas hésiter à exprimer les émotions que l'on ressent (si on les ressent réellement) par rapport à ce que l'on entend (étonnement, amusement, compassion). L'"objectivité" journalistique n'impose pas d'avoir un visage de marbre. La personne interviewée s'adresse à un être humain et non pas à une machine. Par contre, dans certaines situations, il vaut mieux contrôler ses réactions qui risquent de "diriger" les réponses de la personne interviewée vers ce que vous aimeriez entendre... Les enfants, par exemple, peuvent être facilement influençables. Comment faire parler un interviewé désespérément "muet" ? A la fin d'une interview, il arrive que l'interviewé ne se soit pas "laissé aller" à être lui-même et ne vous ait pas donné de réponse satisfaisante (c'est vous qui en jugez) pour votre sujet. Il peut y avoir plusieurs explications. Vous avez peut-être tout simplement oublié de poser une question essentielle. Le stress peut aussi empêcher cette personne d'être elle-même et de dire simplement, dans ses mots, ce qu'elle pense et ce qu'elle ressent. Parfois, à la fin de l'interview, il suffit d'arrêter le magnétophone et de dire, avec un grand sourire, "Merci beaucoup !", pour que la tension baisse comme par magie. Et c'est précisément à ce moment que la personne interviewée sera la plus disposée à vous dire des choses intéressantes. Elle sera même peut-être déçue de ne pas avoir pu vous dire quelque chose qui lui brûlait les lèvres mais qu'elle a tue parce que vous avez conduit l'interview dans une autre direction. C'est à ce moment que les questions qui suivent (c'est à vous de les formuler dans vos mots) peuvent donner des résultats étonnants. - Y a-t-il quelque chose dont nous n'avons pas parlé et que vous aimeriez ajouter ? Un autre truc pour les enfants timides : faites-leur réécouter le premier bout d'interview en jouant sur la vitesse de défilement du magnéto (si le vôtre en est équipé). La voix déformée donne l'effet d'une voix d'adulte ou de petite fille (si le défilement est lent ou rapide), ce qui déclenche les rires presque à tous les coups et donne envie à l'enfant de parler dans la machine... Evidemment, les résultats ne sont pas garantis mais on ne perd rien à essayer ! iii) La posture physique de l'intervieweur Il faut être dans une position confortable, tout près de la personne interviewée sans vous placer au-dessous ni au-dessus d'elle. Ne tenez pas le micro à bout de bras, même si la personne qui est devant vous vous inspire un immense respect (ex : un chef de village). Au bout de quelques minutes, vous aurez le bras tellement fatigué que vous risquerez d'en perdre le fil de l'interview. Rapprochez-vous d'elle pour être plus confortable. iv) Les questions passe-partout et autres trucs Il arrive à tout le monde d'avoir un "trou" au beau milieu d'une interview, d'être fatigué, de perdre un peu le fil de la conversation et de ne plus savoir quelle question poser. Ceci peut être déroutant pour la personne interviewée qui, le plus souvent, s'attend à ce que vous ayez le contrôle de l'interview. Pour se sortir de cette situation, il y a des questions passe-partout, du genre "Ah bon ?" ou "Vraiment ?", qui permettent parfois de relancer l'interviewé. Si vous avez mal compris, il ne faut jamais hésiter à le reconnaître : "Qu'est-ce que vous voulez dire ?... Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire..." Vous pouvez aussi arrêter le magnéto et prétexter que vous voulez vérifier la qualité de l'enregistrement, ce qui vous laissera le temps de reprendre le fil de vos pensées. Si rien de tout cela ne vous aide, il est peut-être temps de prendre des vacances... b) Le lieu de l'interview et l'ambiance de fond Faites toujours vos interviews dans des endroits silencieux sauf si c'est pour une "mise en situation" (pendant un marché ou un événement particulier) ou si c'est la seule façon de les obtenir. Ceci est très important pour faciliter le montage de vos éléments. Explications : imaginez que vous enregistriez l'interview sur une pirogue à moteur... A la fin de chaque interview, prenez l'habitude d'enregistrer 30 secondes de "silence". Ce silence, c'est le son général de la pièce ou de l'endroit où vous êtes. Même si vous avez l'impression de ne rien entendre et que le silence est parfait, enregistrez-le. Ceci facilitera le montage de l'interview entre deux segments dont le fond sonore est différent (explications). c) Lutilisation prévue Que voulez-vous faire de l'interview ? De la réponse à cette question découlera la longueur de l'interview et la manière dont vous poserez vos questions... i) L'interview préparatoire On est toujours tenté de faire de longues interviews. On se dit qu'il vaut mieux en faire plus que pas assez pour être sûr de trouver au moins quelques extraits qui seront exploitables... N'oubliez pas que décrypter une interview (retranscrire les éléments susceptibles d'être utilisés) d'une heure pour en conserver seulement quelques secondes peut être très long et frustrant ! On se rend compte souvent que les trois quarts de l'interview auraient pu être résumés en une minute ou deux. C'est pourquoi, lorsque vous préparez une interview de fond, il peut être très utile de ne pas enregistrer tout de suite et de faire une première interview pour noter certaines réponses par écrit. Cette interview préparatoire sert à établir les faits (les "5 W", "Who, What, Where, When, Why", c'est-à-dire Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Pourquoi ?). Elle permet de mieux cerner le sujet, de mettre en confiance la personne interviewée, et d'éviter de gaspiller de la bande pour recueillir des extraits sonores qui ne seront pas utilisés dans le reportage, du genre "Comment écrit-on le nom de votre village ?" "Vous avez combien de femmes ?" Etc. Toutes ces questions sont importantes parce qu'elles visent à établir les faits. Mais elles n'ont pas leur place dans l'interview-radio qui doit servir à développer le sujet. Ces questions doivent être posées avant d'enregistrer et les réponses (qui seront inclues ou non dans le commentaire) notées par écrit. L'interview elle-même sert à aller plus loin, à connaître le fond de la pensée de la personne interviewée sur le sujet auquel on s'intéresse. Par contre, dans les cas où vous souhaitez obtenir des réponses spontanées de l'interviewé, il peut être souhaitable de ne pas faire cette "pré-interview".
ii) L'interview illustrant un reportage Si c'est le cas, l'intervieweur peut être plus détendu. Il peut répéter sa question, ne pas suivre nécessairement un enchaînement logique du début à la fin de l'interview. L'avantage de ce genre d'interview : on peut parler avec l'interviewé comme s'il s'agissait d'une simple conversation. Le ton complètement décontracté de l'intervieweur peut aider l'interviewé à se laisser aller davantage parce qu'il en oublie presque qu'il s'agit d'une interview. iii) L'interview diffusée intégralement Cette dernière demande à être préparée davantage. La "pré-interview" est alors particulièrement importante et l'enchaînement logique des questions essentiel. Dans ce cas, il vaut mieux commencer en situant le sujet et terminer par les questions les plus délicates. Faire une bonne interview est un art qui se peaufine avec l'expérience. Il y a plusieurs façons de procéder. Certains professionnels ne préparent qu'une seule question, d'autres préparent un canevas général de l'interview. Ils ont tous une chose en commun : la préparation. Les interviews qui coulent le plus naturellement sont celles qui ont été les mieux préparées, celles où l'intervieweur possèdent totalement le sujet. iv) Le micro-trottoir On l'appelle aussi le "vox populi" ou le "vox pop", c'est-à-dire la "voix du peuple". C'est une sorte de mini-sondage qui n'a rien de scientifique mais qui permet de tâter le pouls de la population. En général, on l'utilise avant le lancement d'un reportage ou d'une enquête sur le même sujet. Le principe est simple : on pose une seule et même question à différentes personnes prises dans un lieu donné et on en fait ensuite un montage serré. Il est donc très important de poser une question simple, sans ambiguité et de s'en tenir uniquement à cette question. Inutile de faire des kilomètres d'interview puisque vous n'en retiendrez que 5 à 15 secondes par personne. Il ne faut pas poser une deuxième question. Si vous jugez que la personne n'arrive pas à répondre à la question, inutile d'insister. Passez à la suivante. A qui poser la question, à des hommes, des femmes, des jeunes ou des vieux ? En général, à tout le monde. Mais ça dépend du sujet. On peut poser la question uniquement à des enfants ou des femmes. Le micro-trottoir, par définition, est anonyme. On ne demande pas aux gens de se présenter. En tous les cas, on ne retiendra pas leur nom dans le montage final. d) Le doublage Des journalistes de la radio s'interdisent parfois d'interviewer des paysans parce qu'ils ne parlent pas la langue de l'émission à laquelle ils participent. Dommage parce que ce sont ceux qui ont souvent les choses les plus pertinentes et les plus intéressantes à dire. Il n'est pourtant pas très compliqué de doubler une interview. On peut s'y prendre de plusieurs manières. Comment doubler les interviews ?
e) La conduite de l'interview En début d'interview, il est généralement souhaitable de demander à la personne interviewée de se présenter. Exemple : "Pourriez-vous me donner votre nom, le nom de votre village et m'expliquer ce que vous faites ?". Même si vous n'avez aucune intention d'utiliser la réponse dans votre reportage, ceci a plusieurs utilités. - D'abord, cela vous permettra de régler le niveau d'enregistrement de l'interview sur la voix de l'interviewé. Pendant la réponse, vous ajusterez donc le bouton de volume d'enregistrement pour que l'aiguille du vumètre module bien. Il faut, pour cela, poser une question qui demandera un développement. Si vous demandez "Quel est votre nom ?" et que la personne vous dit "Je m'appelle Idrissa Traoré", les deux secondes que durera cette réponse ne vous laisseront pas le temps de faire des réglages très fins... - Comme c'est la première question, la personne peut être un peu nerveuse. Le fait de commencer par une question aussi simple devrait l'aider à se détendre. - Si vous faites plusieurs interviews pour votre reportage et que vous n'avez pas le temps de prendre des notes écrites, ceci vous permettra, au moment du décryptage (l'écoute et le repérage des éléments pertinents de l'interview), de mieux savoir qui parle sur votre cassette ou votre bande. Il ne faut pas simplement enchaîner une suite de questions préparées à l'avance. N'hésitez jamais à demander des précisions si vous n'avez pas bien compris ou si la personne ne répond pas bien à la question. Interrompez-la (dans les limites de la politesse) pour la ramener dans le sujet si elle s'en éloigne ou si elle n'a pas compris la question. Si vous sentez qu'elle y a répondu mais de façon trop longue, demandez-lui de reprendre en peu de mots. Si elle tourne autour du pot ou qu'elle évite le sujet, reformulez votre question d'une autre manière ou posez d'autres questions. Jamais de question du genre : "Monsieur X, qu'avez-vous à déclarer ?". Et n'oubliez pas : vous êtes maître de l'interview. C'est vous qui la conduisez et non pas l'interviewé ! f) Les questions ouvertes et les questions fermées A éviter :
Et si la personne vous répond "Oui" sans rien d'autre, à quoi cela vous servira-t-il dans un reportage radio ?
Des questions de ce genre sont biaisées parce qu'elles contiennent la réponse. Vous risquez d'orienter les réponses dans une direction qui ne correspond pas nécessairement à la pensée de l'interviewé. Privilégiez les questions du genre : "Qu'est-ce que vous pensez de... ? Ca se manifeste comment ? Pouvez-vous me donner des exemples ? Pourquoi dites-vous que... Ca ressemble à quoi ? Comment vous sentez-vous par rapport à... Et maintenant, qu'allez-vous faire ? Pouvez-vous me raconter comment ça s'est passé ?" 3 - L'illustration sonore Comme les séquences filmées à la télévision, les sons servent, en radio, à illustrer le reportage. Si "une image vaut mille mots", une bonne illustration sonore peut, également, véhiculer beaucoup d'émotions et d'informations, sans même qu'un seul mot soit prononcé. De la même manière que les photos accompagnant un reportage de la presse écrite, les sons ne servent pas seulement à embellir le reportage radio. Ils le renforcent, le complètent et lui apportent de la crédibilité. Les mots doivent être "compris" alors que les sons nous "touchent" directement. Dans le commentaire d'un reportage montrant des femmes en train de piler le mil, le journaliste de la télévision ne dira pas que les femmes sont en train de piler le mil puisqu'on les voit. L'image contient déjà cette information. De la même manière, si on entend, à la radio, les pleurs d'une femme qui vient de perdre toute sa récolte, le commentaire du journaliste ne dira pas qu'elle pleure. Il ne décrira pas ce que l'on entend parce que le son contiendra déjà cette information. Plus que le reportage d'actualités ou que le plateau, le reportage magazine est le genre par excellence pour exploiter à fond les possibilités des ambiances sonores et recréer des atmosphères. A la radio, l'utilisation des sons d'ambiance ajoute une toute autre dimension. Elle aide l'auditeur à se fabriquer une image mentale des scènes que vous décrivez et à vivre certaines sensations (joie, tristesse, inquiétude, etc.). a) Types de sons i) Les ambiances Il faut entendre les gens vivre. Des enfants qui s'amusent, une mère qui prépare à manger, qui pile le mil, verse le thé, des gens qui manifestent et crient des slogans, un homme qui travaille la terre, la foule qui marchande et discute au marché, etc. ii) La musique Par définition, la musique véhicule beaucoup d'émotions. Elle peut être triste, enjouée, nostalgique, déchaînée, enfantine, poétique, etc. Il ne s'agit pas de mettre de la musique partout. S'il y a une fête au village, si le reportage porte sur un événement culturel, d'accord. Sinon, on peut utiliser de courts extraits musicaux, s'ils sont discrets, comme "virgules musicales" pour faciliter la transition entre certaines parties du reportage ou de l'interview. Comme pour les autres ambiances sonores, n'oubliez pas d'en enregistrer plus que pas assez. Utilisez ces extraits musicaux de plusieurs minutes pour vous constituer une bibliothèque musicale dans laquelle vous pourrez toujours puiser, si nécessaire, pour illustrer d'autres reportages. iii) La voix Parmi les ambiances, il y a la voix des interviewés et la vôtre. Indépendamment de ce que vous dites et de ce que racontent les personnes que vous avez interviewées, beaucoup d'informations sont véhiculées par le timbre de la voix. En l'écoutant, on peut ressentir beaucoup de choses. On sait si la personne est triste, en colère, découragée, déterminée, hésitante, joyeuse, etc. C'est pourquoi, lorsque vous doublez (traduisez) des interviews (du français à une langue locale ou vice-versa), il peut être très important, au moment du mixage de votre reportage, de bien laisser le temps à l'auditeur d'entendre la véritable voix de l'interviewé avant que celle-ci soit masquée par sa traduction. Même si vous avez pris la peine de faire faire la traduction par quelqu'un qui a une voix semblable, ce ne sera jamais la même chose que d'entendre la vraie voix. De votre côté, vous devez adapter votre voix à l'histoire que vous racontez. Si vous décrivez un enterrement, il serait déplacé de le faire sur un ton martial. Cela vaut aussi pour les interviews. Si vous interviewez un enfant ou quelqu'un qui semble intimidé par vous et votre magnétophone, vous adoucirez un peu votre voix pour ne pas le mettre mal à l'aise. Celui qui sait manier les ciseaux ou la souris peut, dans certains cas, arriver à transformer un interviewé. Sous les doigts du journaliste-monteur expérimenté, l'interviewé timide qui déclare, en bégayant, "J-j-j-j-j-j-j-j-je voudrais vous d-d-d-d-dire qu-qu-qu-qu-e je ne suis p-p-p-p-p-pas d-d-d-d-d'accord..." se métamorphosera, comme par magie, en personnage sûr de lui : "Je voudrais vous dire que je ne suis pas d'accord...". Dans ce cas, le montage sera utile pour raccourcir et éviter les redites. Mais attention à ne pas abuser du montage. Si vous n'êtes pas limité par le temps d'antenne, il est généralement préférable de laisser les hésitations naturelles que nous faisons tous. iv) Le silence Le silence, en lui-même, peut véhiculer des informations. Il peut être très éloquent. Si une question est posée à un ministre, par exemple, et qu'il met quelques secondes avant de répondre, ce silence inhabituel peut traduire son embarras ou une autre réaction que vous pourriez décider de laisser l'auditeur interpréter lui-même (si vous jugez que le silence véhicule une information utile). Mais surtout, de courts silences peuvent permettre d'aérer votre texte, de le laisser respirer et, par le fait même, permettre à l'auditeur de mieux comprendre ce que vous dites parce que votre débit devient plus naturel. b) Ecrire avec les sons Lorsque vous utilisez de la musique et/ou des sons d'ambiance dans un reportage, il faut que ce que vous dites dans votre commentaire justifie qu'on entende cette musique et ces sons et que, vice-versa, ceux-ci servent à renforcer le contenu de ce que vous racontez. Par exemple, si vous faites un reportage sur le veuvage
et que vous l'illustrez par une musique funèbre, cette ambiance
n'aurait de raison d'être que si vous assistez vraiment à
un enterrement que vous décrivez dans votre commentaire. Autrement,
si votre texte parle d'une femme dont le mari est mort depuis un certain
temps déjà, cette musique ne servira qu'à distraire
les auditeurs de ce que vous racontez. Par contre, si, pendant que vous réalisez votre reportage, il y a une fête au village et que votre commentaire en parle, la musique et les cris de joie seront faciles à intégrer et tout à fait justifiés dans votre reportage. i) Des sons pertinents
ii) Des sons identifiables Certains bruits sont difficiles à faire passer en radio, parce qu'on ne peut pas savoir de quoi il s'agit sans explications. Par exemple, s'il faut illustrer un repas par des ambiances sonores, on ne va pas essayer d'enregistrer les bruits de mastication ou de déglutition. Ils seraient difficiles à reconnaître et, vous en conviendrez, pas très élégants à l'antenne... Par contre, les bruits de cuisine (casseroles, pilons, thé qu'on verse) seront plus facilement identifiables et situeront bien la scène. iii) La durée des ambiances Si vous ne faites pas le montage vous-même, assurez-vous d'enregistrer suffisamment de son pour permettre au monteur de bien l'utiliser. La durée nécessaire est fonction de l'utilisation que vous entendez faire de ce son. Si c'est une ambiance générale de marché, par exemple, que vous voulez mettre sous votre narration, vous aurez intérêt à en enregistrer au moins une minute. De cette manière, vous n'aurez pas à utiliser ce son en boucle.
4 - L'écriture radiophonique La presse écrite et la radio sont des médias très différents. Même si le travail du journaliste exige la même rigueur par rapport à la recherche et à la vérification des informations, la façon de communiquer celles-ci n'obéit pas aux mêmes règles et ne vise pas le même public. Lire en ondes un reportage publié dans un journal écrit ne fait pas de la bonne radio ! Au niveau de la technique d'écriture en radio, il y
a des règles qui semblent incontournables (une idée par phrase, des chiffres
arrondis ou des ordres de grandeur plutôt que des chiffres trop précis,
un vocabulaire simple, pas d'inversion, des phrases courtes, etc.), le
but étant d'être compris. Voici quelques explications qui doivent être
lues en prenant pour acquis que les choses les plus compliquées peuvent
être expliquées simplement. Et qu'on peut être simple sans être simpliste... a) Comprendre son sujet En revenant de reportage, après un long voyage sur le terrain, après des heures de travail dans des conditions difficiles, il vaut mieux poser ses affaires et prendre un peu de recul avant d'attaquer la rédaction du reportage. L'enquêteur cède la place au communicateur. Il doit trouver la manière de raconter son histoire d'une manière simple, concise et captivante. Son but premier : que l'information recueillie soit comprise par l'auditeur. Et pour être compris, il faut d'abord comprendre soi-même. "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément..." Il faut se demander : "Quelles sont les idées que je veux faire passer ? Quelle est l'impression que je retire de ce sujet ?". Certains sujets sont relativement simples et la manière d'en parler peut aller de soi. Mais ce n'est pas toujours le cas.
i) Le repérage (ou "décryptage") des éléments sonores Pour vous aider à bien comprendre votre sujet, il est important de décrypter vos interviews et sons, c'est-à-dire repérer sur la cassette ou le disque et retranscrire sur papier tous les extraits d'interview et les ambiances sonores que vous êtes susceptible d'utiliser ainsi que leur emplacement (le numéro de la prise ou la face de la cassette, ainsi que le numéro indiqué par le compteur au début de l'extrait sonore retenu - en s'étant assuré d'avoir remis le compteur à zéro en début de cassette...). Ceci vous aidera à mieux apprécier les informations dont vous disposez, à les retrouver facilement au moment du montage (si vous le faites vous-même) ou à aider le monteur à les retrouver.
Une erreur courante des journalistes radio est d'essayer de tout dire. C'est un peu normal. Lorsqu'on a travaillé dur et qu'on est passionné par un sujet, tout semble intéressant. Mais l'auditeur ne dispose pas, comme vous, de plusieurs heures voire plusieurs jours pour bien cerner un sujet. C'est pourquoi vous devez "digérer" le sujet pour lui et aller droit à l'essentiel, c'est-à-dire ne restituer que les informations qui sont importantes à la compréhension du message. Cette étape du reportage est extrêmement importante. Il est essentiel de faire un tri dans les informations qu'on a recueillies. Il faut laisser tomber tout ce qui est accessoire, c'est-à-dire tout ce qui n'entre pas directement dans le coeur du sujet tel que nous l'avons défini (angle et traitement). Les journalistes de l'écrit ne ressentent pas le même besoin de concision qu'à la radio. On ne se rend pas compte de la longueur d'un texte parce qu'il est fait pour être lu mentalement, ce qui va beaucoup plus vite que lorsqu'on le lit à haute voix. Les repères visuels ne sont pas les mêmes. Un texte prévu pour la presse écrite et qui s'étale sur deux pages peut sembler court. En radio, c'est très long. Le repérage et le décryptage des éléments sonores vous aidera beaucoup à faire ce travail de synthèse et facilitera l'écriture du reportage. iii) L'idée maîtresse C'est l'idée générale, l'idée de base qui sera développée dans le sujet (voir plus haut). Il est très important de toujours l'avoir à l'esprit et de ne pas s'en éloigner.
iv) Le lancement Le lancement, c'est le texte qui est lu à l'antenne par le présentateur de l'émission pour "lancer" votre reportage, c'est-à-dire pour l'introduire. C'est souvent ce qu'on écrit en dernier alors qu'il vaudrait mieux commencer par là. Ecrire le lancement est une très bonne façon de vérifier si on sait ce qu'on veut dire, si on sait où l'on va avec notre histoire. Cela nous force à faire une première synthèse de nos infos et à aller droit au but en replaçant le reportage dans son contexte plus général. C'est une façon d'appâter l'auditeur en éveillant sa curiosité. Le lancement doit toujours être écrit par le journaliste qui a réalisé le reportage, sinon cela forcerait l'animateur à deviner ce qu'il veut dire, c'est-à-dire trouver lui-même ce qui est l'enjeu du sujet.
b) Le style parlé Le reportage radio n'est pas fait pour être "lu" mais pour être "entendu". Le journaliste radio n'est donc pas censé "écrire" son reportage mais le "dire". Comme il doit préparer l'information qu'il veut communiquer et qu'il dispose d'un temps limité pour raconter, en ondes, son histoire, il doit mettre ses paroles par écrit. Et c'est là que les difficultés commencent. Il n'est pas facile, pour les lettrés que nous sommes, de nous retenir de faire de la littérature lorsque nous avons un crayon entre les mains. Nous sommes conscients d'être entendus par un grand nombre de gens. Le réflexe naturel est de surveiller son langage et de vouloir faire bonne impression. On le fait, comme dans la presse écrite, avec de longues phrases bien construites et un vocabulaire savant. Au niveau de la technique d'écriture en radio, c'est une erreur largement répandue dont l'effet est tout-à-fait contre-productif : l'auditeur n'a pas l'impression qu'on lui parle mais qu'on lui lit un texte et il décroche facilement. Il n'y a rien de plus simple que d'écrire des phrases
compliquées avec un vocabulaire savant. Tous les journalistes en sont
capables. La véritable marque d'un reporter radio se trouve plus
dans le contenu de ses reportages, dans la manière dont il utilise les
sons pour créer des ambiances et dans la façon dont il joue avec sa voix
que dans la structure de ses phrases et le vocabulaire employé. En d'autres
termes, les journalistes dont la présence est la plus forte en ondes sont
ceux dont le style radiophonique correspond assez bien à leur style naturel...
i) La simplicité En radio, il est absolument essentiel de dire les choses simplement, dans NOS mots. La simplicité est capitale parce que si l'auditeur n'a pas compris une phrase ou un mot, il ne peut pas, comme dans l'écrit, revenir en arrière pour le lire à nouveau. Il n'est pas aidé, non plus, par l'image de la télévision qui, bien souvent, lui fait comprendre le contexte même s'il ne saisit pas exactement le commentaire du journaliste. Il faut donc que l'auditeur comprenne du premier coup, d'autant plus que les "consommateurs" de radio font souvent autre chose en même temps, dans des environnements bruillants (conduire la voiture, prendre les transports en commun, etc.). Prenez donc pour acquis que le destinataire de vos reportages n'est pas un intellectuel rivé devant son poste dans une salle totalement silencieuse mais un paysan analphabète distrait au milieu d'un marché très animé ! Et si votre image de marque vous préoccupe, soyez rassuré : en disant les choses simplement (et non pas de manière simpliste), les gens ne croiront pas que vous n'êtes pas intelligent. Bien au contraire. Ils se sentiront eux-mêmes intelligents d'avoir tout compris et vous en seront reconnaissants. En résumé, soyez vous-même et racontez, DANS VOS MOTS.
ii) Les expressions toutes faites et le jargon technique Evitez les formules creuses, du genre "C'est une histoire à suivre...", "Seul l'avenir le dira...", etc. Méfiez-vous du jargon technique mal compris par la pluparft des gens : "la biodiversité, la révolution doublement verte, une initiative d'appui aux efforts de développement, les préoccupations des masses paysannes, etc.". Si vous devez absolument employer ces expressions, expliquez ce qu'elles veulent dire. Autre exemple de style inadapté pour la radio : "Le marché est occupé par des allogènes et nos femmes ne sont pas économiquement épanouies". iii) Des phrases courtes Pour respecter votre débit naturel, vous devez faire des phrases courtes. La raison est simple : essayez de lire d'un même souffle une phrase qui fait plus de trois lignes. Naturellement, quand nous parlons, nous faisons des phrases courtes pour pouvoir... respirer. Et quand l'auditeur écoute quelqu'un qui lui parle, il s'attend aussi à ce qu'il respire. Sinon, il s'épuise lui aussi. iv) Les chiffres De façon générale, il faut simplifier au maximum les chiffres. Ce n'est pas l'abondance de chiffres et de statistiques qui font la valeur d'un reportage radio. Si la précision du chiffre n'est pas capitale pour la compréhension de l'histoire que vous racontez (comme dans un reportage sur les dernières statistiques du chômage ou de l'inflation), il vaut mieux arrondir et donner des ordres de grandeur. Parce que l'auditeur, au contraire du lecteur, n'a pas la chance de revenir sur une phrase ou un chiffre qu'il n'a pas bien compris. Le cerveau de l'auditeur moyen n'arrive pas à assimiler, digérer et comprendre des phrases de ce genre (c'est un exemple fictif) : "En 1996, on estime à 3 millions 545 000 le nombre de personnes mortes des suites de la malaria contre 1 million 697 000 en 1966, soit une augmentation de 51,4 %". On peut dire la même chose beaucoup plus simplement, sans bombarder l'auditeur de chiffres inutiles à la compréhension du message : "En trente ans, le nombre de personnes mortes de la malaria a plus que doublé. En 1996, elles étaient trois millions et demi".
v) Les inversions Les phrases inversées sont une habitude de l'écrit qui alourdit beaucoup le reportage radio. Lorsqu'une phrase est inversée, il faut attendre d'arriver à la fin de celle-ci pour en comprendre le début. En radio, c'est inutilement compliqué et cela dessert le message. Dans une conversation, on ne dirait jamais "D'un naturel plutôt réservé, Mohammed préfère se taire". On ne parle pas comme ça. On dirait plutôt : "Mohammed est d'un naturel plutôt réservé. Il préfère se taire". Un autre type d'inversion est assez courant dans les journaux parlés. Le journaliste commence son texte comme s'il faisait lui-même une affirmation alors qu'en fait, il cite quelqu'un. Exemple : "Je ne suis pas responsable du malheur des paysans. Je n'ai pas le pouvoir de faire la pluie et le beau temps. C'est en ces termes que le ministre de l'agriculture a rejeté les accusations portées contre lui par...". L'effet recherché est d'attirer l'attention de l'auditeur. Celui-ci est intrigué parce que, tout-à-coup, il ne sait plus qui parle (le journaliste ou quelqu'un d'autre ?). Cette technique un peu douteuse demande un effort de concentration particulier. Elle exige de mémoriser ce qui est dit avant d'apprendre qui l'a dit. Sur papier, il est facile de revenir en arrière pour relire les commentaires en question. En radio, pour peu que la citation dure plus de quelques secondes, il est facile d'oublier ce qui a été dit. En d'autres termes, lorsqu'on découvre qui a fait la déclaration, on ne sait plus exactement quelle est cette déclaration vi) Les références au temps L'indicatif présent. De manière générale, lorsque c'est possible sans dénaturer l'information, racontez vos histoires au présent. Cela donne une tournure plus directe et plus active au récit. Les références au temps. Dans la mesure du possible, il vaut toujours mieux construire son histoire pour lui permettre d'avoir une bonne durée de vie. C'est pourquoi les références au temps (aujourd'hui, demain, hier, dans 3 jours, ce matin, etc.) devraient, le plus possible, être données dans le lancement. Si vous devez inclure ces références dans le corps de votre reportage, utilisez préférablement la date ou le nom du jour de la semaine. De cette manière, si votre reportage est diffusé sur plus d'une journée, son contenu sera toujours valable et vous n'aurez pas à modifier ses références temporelles ("avant-hier" plutôt qu'"hier", "aujourd'hui" plutôt que "demain", etc.). vii) La présentation des extraits d'interview Voici un exemple de formule très courante dans les bulletins d'information : "Bla-bla-bla. Les explications de M. Sangaré.". Elle a l'avantage d'être courte, mais dans la vie de tous les jours, on n'entend jamais quelqu'un s'exprimer comme ça. Autre exemple : "Mohammed Sangaré est déçu. Ecoutons-le." Dire à l'auditeur d'écouter est superflu. Par définition, c'est ce qu'il fait ! On ne dit pas à un lecteur "lisons ceci" ou à un téléspectateur "regardons le reportage". Si le temps le permet et que rien n'oblige le journaliste à employer un style télégraphique, il vaut mieux tirer profit de la nécessité de présenter la personne qui va parler pour ajouter une information qui n'est pas inclue dans l'extrait choisi. Si l'extrait commence par "Je suis déçu...", le journaliste n'a aucun intérêt, non plus, à le présenter en disant "Mohamed Sangaré est déçu". Il préférera une formule du genre : "Pour M.S. c'est un revers important...". Comment s'assurer que le texte est bien écrit dans un style parlé ? c) La radio "visuelle" Quand un journaliste écrit pour la télé, il n'a pas à décrire dans son commentaire les images du reportage. Les gens les voient. Et, comme on dit, "une image vaut mille mots". En radio, il faut essayer de faire la même chose mais en utilisant les sons. Il faut que l'auditeur VOIT ce dont vous parlez et se sente transporté sur le lieu de votre reportage, qu'il arrive à s'en fabriquer une image mentale. i) Les descriptions Si vous préparez un reportage qui sera diffusé dans un autre pays ou dans une autre région, prenez toujours pour acquis que les gens qui l'écouteront ne connaissent pratiquement rien de votre pays ou de votre région, de son climat, de ses cultures, de ce que les gens y font, de ce à quoi ressemblent leurs villages, etc. Essayez de voir votre pays ou votre région avec les yeux d'un auditeur lointain. - De lieux. Les auditeurs malgaches ne savent pas à quoi ressemble un village nigérien. Les Burkinabé ne savent pas non plus à quoi ressemble une chefferie camerounaise. - De personnes. L'aspect physique d'une personne aide parfois à la compréhension du message. Si vous voulez décrire l'interviewé comme un sage, plutôt que "Mohammed est un vieux sage", vous pourriez dire "Mohammed polit sa barbe blanche et réfléchit longuement avant de répondre". ii) Ecrire avec les sons Si le cerveau est bombardé de paroles ininterrompues et d'informations denses pendant 5 ou 10 minutes, il finit par décrocher. Les sons permettent à l'auditeur de reprendre son souffle, de réfléchir à ce qui vient d'être dit et de s'en faire une meilleure image mentale. Ils peuvent donc servir à la fois de ponctuations et d'illustrations. Comme nous l'avons vu plus haut, lorsque nous utilisons
des sons d'ambiance, il faut que le commentaire justifie la musique et
les ambiances, et que, vice-versa, celles-ci servent à renforcer le contenu
de ce que nous racontons. Si vous faites un reportage sur la hausse des prix du
carburant, vos sons de circulation et de klaxons seront justifiés et appuieront
ce que vous dites si vous racontez quelque chose de ce genre : "Je
suis dans la ville de... la circulation est dense... les voitures se faufilent...
etc.". Mais si vous faites une analyse économique de la situation
sans être allé sur place, ces ambiances risquent de semer
la confusion. d) L'enregistrement du commentaire i) Le lieu de l'enregistrement Ecoutez bien le son de la pièce où vous voulez enregistrer. Parfois, des sons qu'on n'entend plus parce qu'on s'y est habitué viennent parasiter l'enregistrement. Les climatiseurs et les éclairages au néon, par exemple, nous jouent souvent de mauvais tours. Soyez aussi attentif aux bruits de la circulation et choisissez une pièce qui ne fait pas face à la rue. Evitez les pièces où il y a de l'écho (même léger), ce qui donne un effet "cathédrale" assez déplaisant à l'écoute. ii) La respiration et la voix Si vous vous sentez à bout de souffle et inconfortable, cela vient peut-être du fait que vos phrases sont trop longues. N'hésitez pas à raccourcir vos phrases ou à les modifier au moment de l'enregistrement si vous sentez que les mots que vous avez écrits ne coulent pas naturellement dans votre bouche. Parlez lentement, sur un ton naturel, comme si vous vous adressiez à une seule personne. Les journalistes radio ont souvent tendance à déclamer, comme s'ils se trouvaient devant une foule immense. Il peut y avoir, effectivement, beaucoup d'auditeurs qui écoutent le reportage. Mais chacun le fait individuellement (ou en petit groupe) et, pour qu'il se sente concerné, il doit avoir le sentiment qu'on s'adresse à lui. Donc, il est inutile de pousser la voix comme si vous étiez sur une scène de théâtre. Voici un truc tout simple pour vous aider à parler avec un ton naturel : imaginez-vous que vous racontez l'histoire à un proche (mère, père, frère, soeur, ami, etc.) et ayez son image en tête. Mieux : enregistrez votre commentaire devant quelqu'un. Faites comme si vous lui racontiez l'histoire, c'est-à-dire en vous détachant un peu de votre texte, en lui jetant des coups d'oeil et en faisant les gestes naturels que vous faites lorsque vous discutez. Faire des gestes aide beaucoup à ajouter de l'expression à un texte. |
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