Louis Hébert, comme premier colon de Québec, avait devancé les Récollets,
dans ce lieu, non en élevant des bâtiments, mais en y défrichant des terres
sur lesquelles il avait dessein de s'établir.
Voici ce que nous dit Faillon de Louis Hébert dans son « Histoire
de la Colonie Française en Canada ».
« Par suite d'un calcul misérable, pour ne pas dire cruel, les
diverses sociétés des marchands qui étaient allées s'établir à Québec,
n'y avaient pas défriché, après vingt-deux ans, un arpent et demi de
terre, au témoignage de Champlain, et n'avaient jamais voulu donner
aux habitants le moyen de cultiver des terres.
L'un de ces habitants que nous ferons connaître dans la suite, Louis
Hébert, obtint cependant peu après son arrivée une concession de terre
où il entreprit le défrichement pour y semer le printemps suivant; Louis
Hébert qui possédait dix arpents était le seul qui pût se maintenir
avec sa famille; et toutefois ce zélé et digne colon, au lieu d'être
encouragé par les associés n'éprouvait de leur part que les vexations
les plus dures et les plus criantes.
Après qu'il eut ainsi défriché un peu de terre et récolté quelques
grains par son industrie privée et personnelle, ceux qui l'avaient autorisé
prétendirent, contre toute justice des droits sur ce fruit de son travail
et l'obligèrent de ne vendre ses grains ni de les traiter à d'autres
qu'eux et au prix qu'ils fixèrent eux-mêmes qui les revendaient ensuite
aux sauvages à tel prix qui leur plaisait.
Il fallait que cette vexation fut aussi notoire qu'elle était injuste
et criante, pour qu'elle ait pu entrer dans les motifs de l'édit qui
supprima, en 1627, la compagnie de ces marchands.
Ce fut sur les instances de Champlain que, l'année 1617, Louis Hébert,
déjà nommé, se détermina à passer en Canada avec sa famille. Peut-être
que, pour faire consentir plus aisément les associés à recevoir ce premier
colon, Champlain leur allégua un autre motif d'utilité publique, plus
propre à faire impression sur ces marchands intéressés; car Hébert était
Apothicaire, et pouvait se rendre utile aux employés de ces messieurs.
Il avait autrefois accompagné Poutrincourt à Port Royal, en cette qualité,
et Lescarbot, qui l'y avait connu alors, ajoute que, outre l'expérience
qu'Hébert avait de son art, il prenait grand plaisir au labourage de
la terre, et, qu'avec son aide, Poutrincourt avait fait cultiver un
peu de terre pour y semer du blé.
Hébert justifia les espérances de Champlain en s'appliquant, le premier
en Canada, à l'agriculture; et comme il est certain que la compagnie
ne fit pas défricher un arpent et demi de terre, on peut conclure que,
dans le récit suivant, le P. Sagard a voulu signaler les travaux de
cet industrieux colon.
Outre la maison des marchands, à Québec, il y a, dit-il, un autre logis,
au-dessus de la terre haute, en lieu fort commode, où l'on nourrit quantité
de bétail qu'on y a mené de France; on y sème aussi, tous les ans, force
blé d'Inde et des pois, que les associés traitent par après aux sauvages,
pour des pelleteries. Je vis en ce champ un jeune pommier, qui y avait
été apporté de Normandie, chargé de fort belles pommes, comme aussi
de jeunes plants de vigne fort beaux, et tout plein d'autres petites
productions, qui témoignaient de la bonne santé de la terre.
Cette famille fut aussi la première qui s'établit en Canada, et donna
lieu, dans l'automne de 1617, au premier mariage catholique, béni avec
les solennités ordinaires, entre la fille aînée de Louis Hébert et le
Sieur Étienne Jonquest, natif de Normandie.
Le P. Le Clercq, parlant de Louis Hébert, dit avec raison : « On
peut l'appeler avec raison l'Abraham de la colonie, le père des vivants
et des croyants, puisque sa postérité a été si nombreuse, qu'elle a
produit quantité d'officiers, de robe et d'épée, de marchands habiles
pour le négoce, de très dignes ecclésiastiques; enfin un grand nombre
de colons chrétiens, dont plusieurs même ont beaucoup souffert, et d'autres
ont été tués par les sauvages, pour les intérêts du pays. »
Hébert compte parmi ses nombreux descendants quelques-unes des plus illustres
familles du Canada; Joliette, De Lery, De Ramesay, Fournier, Monseigneur
Taschereau, Monseigneur Blanchet, et Monseigneur Taché.
On a célébré à Québec avec grand éclat le troisième centenaire de son
arrivée au pays; on invitait ceux qui étaient ses descendants à la fête.
On lui a érigé à Québec un superbe monument.