ANDRÉ MIGNIER, SOLDAT DE CARIGNAN
André Mignier, dont voua voyez le nom branche maternelle, à la huitième
génération, famille no. 59, vint au Canada en 1665, avec le célèbre
régiment de Carignan.
Le régiment de Carignan, couvert de gloire par la guerre qu'il livra
contre les Turcs avant son départ d'Europe, par son arrivée au Canada
donna au pays la paix et la confiance qui le firent prospérer rapidement.
Les familles françaises s'enorgueillissent à bon droit, quand dans leur
ascendance, elles comptent un « Croisé ». Reconquérir sur les
barbares le pays du Christ, voilà qui était noble, Mais s'enrôler pour
permettre, dans un pays immense, l'établissement d'un peuple chrétien,
quitter pour cela sa famille et sa patrie, voilà il me semble une autre
croisade; et vous avez raison d'être fier d'appartenir à la famille d'un
de ces glorieux soldats du régiment de Carignan.
Le régiment de Carignan avait été levé en France par le Prince Thomas-Emmanuel
Pierre de Savoie, Prince de Carignan, dont il porta le nom; il avait eu
pour noyau la compagnie des gardes de ce prince célèbre.
Ce régiment se distingua dans un grand nombre de combats, et, après la
paix des Pyrénées, en 1659, le Prince de Carignan en fit cadeau au grand
Roi Louis XIV, et ce régiment fut dès lors assigné dans l'armée régulière.
Au mois de mai 1665, dans le but d'assurer la paix et la tranquillité
à la colonie qui était toujours exposée à périr, exterminée par les Iroquois,
le roi décida d'y envoyer un bon corps de troupes; et douze cents soldats
du régiment de Carignan allèrent s'embarquer à La Rochelle pour le
Canada; votre ancêtre était de ce nombre.
L'abbé Couillard-Després, dans son « Histoire de Sorel », nous
relate le voyage et l'arrivée de ce régiment. Cette narration est, sous
le voile de termes généraux, la narration du voyage et de l'arrivée de
votre ancêtre. Nous citons l'abbé Couillard-Després, page 38 :
« M. de Tracy, lieutenant-général du Roi, s'embarque avec quatre
compagnies, à La Rochelle, sur deux navires, le Brésé et le Téron,
à destination de Cayenne. La flotte fait escale à l'Île Madère et au
cap Vert; les Portugais reçoivent les Français magnifiquement. À Cayenne,
M. de Tracy somme le gouverneur de rendre l'Île au roi de
France, ce qu'il fait sans difficultés. Ayant visité les îles de la
Martinique et de la Guadeloupe, le 25 avril il met à la voile en destination
du Canada et il arrive à Québec le 30 juin.
Toute la population canadienne et le clergé, ayant à sa tête l'illustre
Mgr. de Laval, se rendent au-devant de M. de Tracy, qui porte le titre
de vice-roi de la Nouvelle-France. La réception est grandiose; jamais,
depuis la fondation du pays, pareil déploiement militaire ne s'est vu.
Les quatre compagnies des régiments de Chambellé, d'Orléans, du Poitou,
de Broglie, qui accompagnent le vice-roi, se joignent aux quatre premières,
arrivées quelques jours auparavant sur le vaisseau Le Gagneur. Le 18
juin, le 19 août et le 12 septembre, huit autres compagnies viennent
renforcer les troupes royales. M. Jean Talon, appelé à l'intendance
du pays, met pied à. terre en compagnie de M. de Courcelles qui arrive
en qualité de gouverneur. Le régiment compte douze cents soldats d'élite.
Les Canadiens sont dans la jubilation. La venue de tant de beaux militaires
met la joie dans tous les cours. On se prend à espérer en des jours
meilleurs. »
M. de Courcelles et le vice-roi, M. de Tracy, à la tête des vaillants
soldats, poursuivirent les Iroquois jusque dans leur pays, et obtinrent
ainsi pour quelque temps une tranquillité bienfaisante pour la colonie.
Sa mission accomplie, le régiment fut licencié en 1667, et retourna en
France, sauf environ quatre cents soldats et trente officiers qui préférèrent
rester défricheurs et se fixer pour toujours dans la colonie.
Le roi encouragea ce mouvement; il accorda de vastes seigneuries à ceux
des officiers qui avaient les moyens de les coloniser, et une allocation
de 150 livres aux sergents et de 100 livres aux simples soldats.
Officiers et soldats de Carignan s'établirent sur les bords de la rivière
Richelieu qui avait été le théâtre de leurs exploits.
Les seigneuries de Contrecour, de Saint-Ours, de Verchères, de Chambly,
de Sorel, de Lavaltrie, eurent pour premiers seigneurs des officiers du
régiment de Carignan, et pour premiers colons des soldats de ce régiment,
ceux-ci se groupant de préférence autour de leur chef respectif. |