L'école de la guerre (20'51")
Lancement (1'47") :
Imaginez une guerre où les victimes et les agresseurs
seraient des enfants. Où des petits soldats, comme des robots téléguidés,
seraient manipulés pour commettre des atrocités et semer
la terreur. Cette guerre d'enfants existe. Elle a lieu au Libéria,
un pays d'Afrique de l'Ouest qui essaie de renaître de ses cendres
après plus de six années de carnage. Dernièrement,
la capitale libérienne, Monrovia, a été la scène
de nouveaux combats et pillages. Au mois d'août 95, un treizième
accord avait pourtant été signé entre les chefs de
la guérilla pour désarmer leurs troupes et préparer
la tenue d'élections. Parmi les combattants, six mille ont moins
de 15 ans. Certains n'ont que sept ans. Même si tout se déroulait
selon l'échéancier, ce qui est maintenant improbable, il
restera des problèmes profonds à régler. Parce que
l'avenir du Libéria repose sur ces gamins analphabètes qui
ne savent plus faire la différence entre le bien et le mal. Actuellement,
des centaines de milliers d'enfants-soldats combattent dans 25 pays d'Afrique,
d'Asie, d'Europe de l'Est et d'Amérique latine. Ce phénomène
qui prend de l'ampleur bouleverse les règles de la guerre et complique
énormément le retour à la paix. Le journaliste Robert
Bourgoing, de l'agence Périscoop, nous en donne un exemple avec
ce reportage sur le Libéria. Là-bas, il a constaté
l'immense défi que représentent la démobilisation
et la réintégration de ces enfants dans la société.
Lorsqu'ils acceptent de rendre leurs armes, il faut encore les désarmer
émotivement et mentalement. Pour leur apprendre à vivre
sans la guerre.
Pour les aider, si possible, à redevenir des enfants.
Reportage (19'04") :
Son
dactylo
- What is your name ?
- Salif.
- Salif who ?
- Salif Nano.
- Nano. What is your rank ?
- Master sergeant.
- Master sergeant... How old are you ?
- 14.
- 14 years ?
- Yes.
Trad :
- Quel est ton nom ?
- Salif.
- Salif qui ?
- Salif Nano.
- Nano... Quel est ton grade ?
- Sergent-chef.
- Sergent-chef... Quel âge as-tu ?
- 14.
- 14 ans ?
- Oui.
Son
dactylo
Nous sommes au camp de la MONUL, la Mission d'observation
des Nations-Unies au Libéria.
C'est ici, à la sortie de Monrovia, la capitale libérienne,
que la MONUL reçoit les combattants, comme Salif, qui acceptent
d'être désarmés.
En échange, il aura droit à des chaussures de sport,
un tee-shirt, une paire de jeans et surtout, l'espoir d'une nouvelle vie.
Ce qui frappe chez Salif, c'est qu'il ne correspond vraiment pas à
l'image qu'on se fait normalement d'un guerrier.
Et ce n'est pas un cas isolé.
Le tiers des combattants sont, comme lui, des petits garçons
qui, à première vue, n'ont pas l'air bien redoutables.
Mais on se ravise assez vite quand on voit l'arsenal de guerre qu'ils
trimballent.
Des fusils automatiques allemands et américains, des grenades,
des lance-roquettes et beaucoup de mitraillettes AK-47, les fameuses kalashnikovs
russes.
- What is the weapon used in K5 unit ?
- AK.
- AK 47 ?
- Yes.
- Did your unit ever plant mines ?
- Yes. Anti-tank.
- Anti-tank...
Trad :
- Quelle arme utilise-tu dans ton unité ?
- AK.
- AK 47 ?
- Oui.
- Ton unité a-t-elle installé des mines ?
- Oui. Des mines antichars.
- Antichars...
Son
dactylo
He was 10 years old. In fact that's a female. 10 years
old. She had an AK-47 in one hand and a toy, a doll baby in another hand.
Trad :
Il y en avait un de 10 ans. En fait, c'était une fillette de 10
ans. Elle avait une AK-47 dans une main et une poupée dans l'autre.
L'avocate libérienne Loïs Bruthus travaille
pour la MONUL.
En deux ans, elle a interrogé plus de 500 enfants-soldats.
When they come to us to be interviewed, he'll tell
you : "I'm Jungle Fever !" Or : "I was Satan !
I was the devil incarnate !" All kinds of names they tell you.
So I say : "Fine. Your name suited you at that time. But you
are no longer a captain. You are no longer a master sergeant. You're just
like me. You're a civilian. Have you decided to give up your arm ?
You don't want to fight anymore ?" They tell you : "No.
I'm tired fighting ! I want to go back to school."
Trad :
Lorsqu'ils arrivent ici pour être désarmés, ils vous
disent : "Je suis la Fièvre de la Jungle ! J'étais
Satan ! J'étais le diable incarné !" Ils
se donnent toutes sortes de noms. Alors je dis : "D'accord.
Ton nom te convenait parfaitement. Mais tu n'es plus un capitaine. Tu
n'es plus un sergent-chef. T'es juste comme moi. T'es un civil. As-tu
décidé de rendre ton arme ? Tu ne veux plus te battre ?"
Ils vous disent : "Non. J'en ai assez de me battre ! Je
veux retourner à l'école."
Quand ces enfants sortent de la brousse, après
des années passées à tendre des embuscades dans des
forêts marécageuses, Loïs Bruthus est souvent leur premier
contact avec le monde extérieur.
Their conditions were pathetic. Not only physically.
They had a whole lot of skin diseases like scabies or whatever, but simple
hygiene was lacking. Then... maybe most of them have not had what you
would have referred to as a bath for so long. You could see within even
their eyes that they were not normal children. They were highly traumatized
kids. Their period of concentration is so short. They could get angry
very easily. They could react very quickly. They could become very defensive
without even pushing them to the wall by asking them any questions. So
you could see that these kids were highly traumatized.
Trad :
Leur état est pathétique. Ils ont des maladies de peau,
comme la gale. L'hygiène la plus élémentaire fait
défaut. La plupart n'ont pas pris de bain depuis très longtemps.
Vous pouvez voir dans leurs yeux que ce ne sont pas des enfants normaux.
Ils sont profondément traumatisés. Leur temps de concentration
est très court. Ils se mettent en colère très facilement.
Ils sont très prompts à réagir. Ils sont sur la défensive
sans même qu'on leur pose de questions. Alors vous voyez que ce
sont des enfants très traumatisés.
Son
Dactylo
- O.K. Thank you very much. You can go to the next
stage. Next !
Trad :
- O.K. Merci beaucoup. Tu peux passer à la prochaine étape.
Au suivant !
Ceux qui rendent leurs armes ne sont qu'une minorité
au Libéria.
Dans la brousse, il reste trente fois plus d'enfants armés.
Son
Grillons
Ce sont eux qui montent la garde aux postes de contrôle
qui marquent le territoire des différentes factions.
Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ce ne sont pas des anges.
Certains barrent leur bout de route avec les intestins de leurs ennemis.
D'autres forcent les véhicules à ralentir en zigzaguant
entre des piles de crânes humains.
Très peu de voyageurs s'aventurent sur ces pistes.
Et généralement, ceux qui doivent le faire y laissent
des plumes.
On voit des jeunes qui scotchent leurs chargeurs de mitraillette avec
le ruban adhésif de Médecins Sans Frontières.
Il y en a d'autres qui roulent des joints dans les pages de bandes
dessinées que la Croix-Rouge distribue pour se faire connaître.
Comme tous les humanitaires, Roland Sidler, un délégué
du Comité International de la Croix-Rouge, a des rapports tendus
avec ces soldats immatures et imprévisibles.
Des ennuis ? Oui, bien sûr. J'ai été
menacé plusieurs fois. Il y a un moment donné effectivement
où vous êtes ce qu'on appelle un peu sur la frontière.
Vous ne savez pas si un incident va se passer ou si vous arriverez à
dialoguer ou pas. Et il est très facile d'avoir dans les reins
ou sur le ventre le canon d'une kalashnikov. On voit la main du gamin
qui tremble donc il peut par mégarde, même si c'est pas intentionnel,
appuyer et puis c'est fini. Alors ce sont des moments où... Parfois
ils peuvent tirer par peur eux-mêmes parce que la peur peut les
faire réagir d'une façon inattendue. A ça vous ajoutez
l'alcool, la fatigue, peut-être aussi l'énervement du délégué.
Il faut le dire parce que c'est pas une situation d'habitude. Alors on
a aussi un comportement qui peut-être les fige. Qui est peut-être
un peu trop agressif et il se sent dévalorisé par rapport
à ses amis et puis tout de suite il reprend le dessus et puis évidemment
ça devient très dangereux.
Comment réagir devant ces gamins nerveux
qui jouent de la gâchette ?
Pour Roland Sidler, il n'y a pas de recette.
Chacun doit improviser et surtout, garder son sang-froid.
On a tous une certaine façon de fonctionner.
Je dirais que si vous arrivez à trouver quelque chose qui vous
ridiculise un petit peu, c'est-à-dire que, je ne sais pas, vous
vous faites un croc-en-jambe en descendant de la voiture ou vous vous
tapez la tête contre la portière ou vous laissez tomber votre
paquet de cigarettes ou quelque chose comme ça, je crois que c'est
une méthode qui, selon mon expérience, fonctionne assez
bien. On aime assez rire lorsque il y a une maladresse de la part du Blanc.
Personnellement j'ai souvent utilisé cette façon-là,
oui.
Son
Groupe d'enfants
They manned check points. They sit down there and take
things that they didn't work for. So this has been a way of life !
They placed themselves in a manhood position. Now you are a child. When
you come here we carry you back to that childhood.
Trad :
Ils avaient la responsabilité des postes de contrôle. Ils
restaient assis et volaient les gens qui passaient. Leur vie, c'était
ça ! Ils vivaient comme s'ils étaient des adultes.
Mais ce sont des enfants. Et quand ils viennent ici, nous les ramenons
vers leur enfance.
Samuel Korvili est psychologue.
Il exerce une profession très demandée au Libéria.
A Monrovia, il travaille pour le C.A.P.
C'est le Programme d'aide aux enfants, un des deux groupes qui essaient
de réhabiliter les enfants-soldats démobilisés et
de les réintégrer dans leurs familles.
Dans cette école de petits métiers, les élèves
de 9 à 15 ans ont pour la plupart participé à des
massacres, des viols et des pillages.
First when the child comes here we know that the child
is under trauma. These guys, initially, they can be very violent, very
dangerous. Very very emotional and they can do anything. Suddenly they're
violent. Every small thing they resort to arm. They take bottle. They
take this. Before you know they've got something in their hands. They
want to go. They say they want to kill somebody, they want blood and all
these kinds of things.
Trad :
Les enfants qui viennent ici sont tous traumatisés. Au début,
ils peuvent être très violents, très dangereux. Etrêmement
émotifs et imprévisibles. Subitement, ils deviennent violents.
A la moindre contrariété, ils saisissent une bouteille ou
autre chose. Ils veulent quitter le programme. Ils disent qu'ils veulent
tuer quelqu'un, que le sang va couler.
Le problème le plus urgent à régler
pour les pensionnaires du C.A.P., c'est la dépendance à
la drogue, que ce soit la marijuana, la cocaïne ou les amphétamines.
Pendant leur période de sevrage, ils participent à des
séances de thérapie individuelles et collectives.
Parce qu'ils ont tous, à des degrés divers, des problèmes
psychologiques.
Et les symptômes sont nombreux : cauchemars, insomnie, hallucinations,
incontinence, difficulté de concentration, déprime.
So the impact of the war will vary from one kid...
Let's take for instance, if a child was trained and went to combat. And
took part in beheading people. You know taking drugs, marijuana, all kinds
of drugs and you know doing all kinds of wicked things, looting and what
have you. He will be more difficult to deal with than somebody who was
just there to cook.
Trad :
L'impact de la guerre varie d'un enfant à l'autre. S'il a pris
part aux combats, s'il a décapité des gens, s'il a consommé
de la drogue, participé à des pillages ou à d'autres
atrocités, on aura plus de difficulté avec lui qu'avec celui
qui faisait seulement la cuisine.
Son
Rue de Monrovia
Il y a très peu de ressources pour aider
les enfants-soldats démobilisés au Libéria.
Parce que le pays est ruiné.
Mais aussi, parce que ceux qui ont le pouvoir actuellement, les chefs
des six factions armées qui forment le gouvernement de transition,
ont tous eux-mêmes utilisé ces enfants.
Ce qui veut dire, bien sûr, qu'ils ferment les yeux sur les horreurs
qu'ils leur ont fait subir.
Un exemple : le Front national patriotique, la plus importante
faction armée au Libéria.
Le F.N.P.L. utilise plusieurs unités spéciales de jeunes
garçons dans des opérations-kamikaze.
Son porte-parole, Elliot Blidi, est un homme d'une trentaine d'années.
A lot of people are going to have problems with this !
A lot of people are going to dispute this ! They're going to say :
"No ! No ! No ! It can't be !" But a lot of them
are more mature then they would have been if they had not been through
a war !
Trad :
Il y a beaucoup de gens qui ne seront pas d'accord avec ça !
Ils diront : "Non ! Non ! Non ! Ce n'est pas
possible !" Mais beaucoup de ces jeunes ont acquis une plus
grande maturité grâce à cette guerre !
Elliot Blidi est un fils de bonne famille toujours
tiré à quatre épingles.
Il a fait ses études aux Etats-Unis.
D'après ce privilégié, né d'un père
diplomate, la guerre forme le caractère.
Et ceux qui font toute une histoire autour de l'impact qu'elle peut
avoir sur les enfants-combattants, ce sont surtout des occidentaux bourrés
de scrupules.
- There will be those cases where kids are going to
be mentally disturbed. But then I want to believe a lot of them will come
out better people. Stronger people, physically developed, more alert mentally.
Because if you're fighting a bush war and you expect that you can fall
into an ambush at any time, that the person behind you may shoot you in
your back or the person in front of you... there may be a sniper sitting
in a tree or in a ditch that can put a bullet through your head and you're
dead, you're alert, you're more aware of human nature ! So I think
that even if a kid has lost 5 years, if he was encouraged to go back to
school, I think he would do better than he may have done if he had not
had the fortifying experience, the strenghtening experience of this war.
- Did you ever fight yourself ?
- No. Well... I shouldn't say no because in where we've come from, the
war in this country, everyone is supposed to have fought. Meaning that
you didn't need to hold a gun or an RPG or an AK-47 to fight. That if
you're fighting in terms of propaganda or politics...
- Would you have liked to fight the real way, with a gun ?
- ... well... Yes!... If that was the best way I could serve, yes I would
have held a gun. But I thought I could serve in other ways. And I think
I served in other ways...
Trad :
- Certains enfants seront affectés mentalement. Mais je crois que
beaucoup d'entre eux en sortiront grandis. Plus forts, physiquement développés,
plus éveillés. Parce que lorsque vous combattez dans une
guérilla et que vous pouvez tomber dans une embuscade à
tout moment, que la personne derrière vous peut vous tirer dans
le dos, qu'un franc-tireur caché dans un arbre ou dans un fossé
peut vous mettre une balle dans la tête, vous êtes alerte,
plus conscient de la nature humaine ! Je crois que même si
un enfant a perdu 5 ans, s'il est encouragé à retourner
à l'école, il fera mieux qu'il n'aurait fait s'il n'avait
pas eu l'expérience stimulante et fortifiante de cette guerre.
- Avez-vous jamais combattu vous-même ?
- Non. Euh... Je ne devrais pas dire non. Parce que dans cette guerre,
tout le monde est censé avoir combattu. Je veux dire que vous n'avez
pas besoin de porter une arme, un lance-roquettes ou une AK-47 pour combattre.
On peut le faire par la propagande, la politique...
- Auriez-vous aimé vous battre pour vrai, avec une arme ?
- ... Oui ! Si ça avait été la meilleure façon,
pour moi, de servir, oui, j'aurais tenu une arme. Mais j'ai crû
que je pouvais servir d'une autre façon. Et je crois que j'ai servi
d'une autre façon...
(Loïs Bruthus :)
What happens to the child during the tender years always remains with
that child. And if I could tell you that those experiences of children
in their tender years of 7, 8, 9 to 16, that it would not affect them,
then I do not see what will ever affect a human being !
Trad :
Ce qui arrive à un gamin dans sa tendre enfance le poursuit toute
sa vie. Et si je vous dis que ces expériences qu'ils ont connues
à 7, 8, 9 ou 16 ans ne les affectent pas, alors je ne vois pas
ce qui affectera jamais un être humain !
L'avocate de la MONUL, Loïs Bruthus, trouve
scandaleux que des idéologues comme Elliot Blidi tiennent ce genre
de discours.
D'après elle, ce déni de la réalité n'augure
rien de bon pour l'avenir du pays.
- We are not treating a situation now to say :
"O.K. there's a child, we have demobilized a child, he is reunited
with his family. Hey ! That's the end of it ! The war is over !"
Those things affect people even in their later years.
- Will the long term trauma that these kids will suffer be bigger, more
important, more serious than the one that will be suffered by adult soldiers ?
- Definitely ! Definitely ! Because who are these kids ?
These kids will be the future leaders of this republic. These are the
kids ! We might not be able to see these relapses in these kids for
the next ten years. But maybe in the next 50 years they might have it !
Now you have a leader who will become erratic at one point in time in
his life ! So we are not looking at the short term. I'm looking at
the long term !
Nous ne sommes pas devant une situation où on peut dire :
"O.K. Voici un enfant. Il a été démobilisé,
il a retrouvé sa famille. Et c'est la fin de l'histoire !
La guerre est terminée !" Ces choses affectent les gens
même beaucoup plus tard dans leur vie.
- Est-ce que le traumatisme à long terme de ces enfants sera plus
grave que celui des soldats adultes ?
- Certainement ! Certainement ! Parce que... qui sont ces enfants ?
Ces enfants sont nos futurs dirigeants. Ce sont eux ! Ils ne feront
peut-être pas de rechute dans les dix prochaines années.
Mais dans les 50 prochaines années, ils pourraient bien être
de nouveau hantés par leurs souvenirs. Et nous aurons un leader
qui perdra le contrôle à un moment de sa vie. Alors je ne
me soucie pas du court terme. Je pense au long terme !
Son
Chorale d'enfants et applaudissements
Aujourd'hui, c'est jour de fête au C.A.P.
C'est la remise annuelle des diplômes à ceux qui ont réussi
leur sevrage, leur thérapie et leur apprentissage d'un métier,
comme la menuiserie et l'électricité.
Pour l'occasion, on chante, on danse et devant un parterre d'adultes,
des petits font la leçon aux grands.
Why people are shooting all over the place ? That's
not fair. We did not create war. Yet we are the worst affected. We are
shot at and often driven to death by hunger. Why should it be this way
?
Trad :
Pourquoi il y a des gens qui tirent partout ? Ce n'est pas juste.
Nous n'avons pas créé la guerre. Mais nous sommes les plus
durement touchés. On nous tire dessus et on nous laisse mourir
de faim. Pourquoi c'est comme ça ?
Sur la tribune, les diplômés défilent
pour recevoir un bout de parchemin qui symbolise leur retour dans la vie
civile.
Aucune émotion sur leurs visages.
On peut se demander s'ils sont vraiment redevenus des enfants.
Mais ce qui ne fait pas de doute, c'est que cet événement
est important pour eux.
Pour la première fois peut-être, des adultes leur laissent
espérer qu'on peut avoir du succès autrement que par les
armes.
Les familles qui assistent à la cérémonie sont
visiblement très fières de leurs enfants.
Et l'évêque de Monrovia prend le micro pour leur rappeler
qu'elles ont maintenant de grandes responsabilités.
There is a tremendous work requiring patience, understanding
and commitment, and above all, love ! For many of our children, in
the last six years, have not seen, experienced or understood what true
love is. And love is essential ! Absolutely essential for the normal
upbringing of our children !
Trad :
Il y a un travail énorme qui demande de la patience, de la compréhension
et de l'engagement, et par-dessus tout, de l'amour ! Parce que depuis
six ans, plusieurs de nos enfants n'ont pas vu, goûté ou
compris ce qu'est vraiment l'amour. Et l'amour est essentiel ! Absolument
essentiel pour l'épanouissement de nos enfants !
Son :
Ambiance foule (intérieur)
Ce n'est pas jour de fête pour tout le monde.
Cette année encore, personne n'est venu pour Papa Kamara.
A 17 ans, c'est le plus vieux pensionnaire du C.A.P.
Il est prêt, depuis deux ans, à retourner dans sa famille.
On a bien retrouvé la trace d'une de ses tantes qui vit à
Monrovia.
Mais comme bien d'autres parents, elle a peur de cet enfant qu'elle
ne reconnaît plus.
- ... Sometimes she's thinking I would do harm to her.
- And do you think she's right ?
- (rire) Yes !
- She's right to think that the things you did, you could do them to her ?
- Yes. She's right because some people they can do the same things to
their parents. But as for me I can't do that one. So that's the one the
woman was thinking on.
- If you could talk to her, what would you tell her ?
- What I would tell her ? I wa coming to tell her I can't do nothing
to her. I can't do harm to her. Because I love her.
- So now what will happen ? What will you do ? If you don't
want to go back with your auntie what will you do ?
- To go back to my ma and my pa.
Trad :
- ... Parfois, elle croit que je pourrais lui faire du mal.
- Est-ce qu'elle a raison de le croire ?
- ... Oui !
- Elle a raison de croire que ce que tu as fait pendant la guerre, tu
pourrais le lui faire à elle aussi ?
- Oui. Parce qu'il y en a qui peuvent faire ces choses à leurs
parents. Mais moi, je ne peux pas faire ça.
- Si tu pouvais lui parler, qu'est-ce que tu lui dirais ?
- Qu'est-ce que je lui dirais ? Je lui dirais que je ne peux pas
lui faire de mal. Parce que je l'aime.
- Alors maintenant, si tu ne peux pas vivre avec ta tante, qu'est-ce que
tu vas faire ?
- Retourner avec ma mère et mon père.
Il faudra du temps pour que Papa Kamara retrouve
son père et sa mère.
Parce qu'ils vivent dans une région encore contrôlée
par l'ULIMO, la faction à laquelle il appartenait.
S'il y retournait, il serait probablement de nouveau enrôlé.
Son avenir dépend complètement d'une paix durable au
Libéria.
D'ici là, comme plusieurs enfants démobilisés,
Papa Kamara est déçu de la vie civile et regrette parfois
la vie plus confortable qu'il obtenait à la pointe du fusil.
- I miss plenty of things because... Sometimes we used
to take things for ourselves. And we would move from there. We are not
able to get it. Some people them will go steal. And some people them too
they can't steal. They're not used to take things by force like me. That's
what I mean. I used to take things by force. Because I got plentiful money.
Yeahh.
- You will find another way to make plentiful of money now...
- Yes.
- What will it be ?
- Sometimes when I dream... I'm going to be sometimes I'm going to be
a journalist so that I can be working. Sometimes I can be taking care
of children.
Trad :
- Il y a beaucoup de choses qui me manquent parce que... Avant, je pouvais
prendre aux gens tout ce que je voulais. Mais plus maintenant. Il y a
des garçons qui continuent à voler. Il y en a d'autres qui
ne peuvent pas. Ils ne sont pas habitués à prendre ce qu'ils
veulent par la force comme moi. C'est ce que je faisais avant. Et je faisais
plein d'argent...
- Tu vas trouver une autre façon de faire plein d'argent maintenant ?
- Oui.
- Comment ?
- Des fois, quand je rêve... je me dis que je serai journaliste.
Parfois je pense m'occuper d'enfants.
Pour des milliers d'enfants du Libéria, la
kalaschnikov est encore le moyen le plus sûr de gagner de quoi survivre.
Rendre son arme dans un pays en ruines, c'est s'exposer à la
pauvreté.
Le véritable enjeu aujourd'hui, c'est d'offrir à ces
enfants une alternative.
Pour les convaincre de déposer définitivement les armes,
il faudra que la paix leur rapporte plus que la guerre.
Son
Chorale d'enfants et groupe d'enfants
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