Pour ces femmes de la brousse, qu'un président africain décrivait comme de véritables bêtes de somme, quelque chose est en train de changer. |
L'Afrique invente son féminisme Au Mali, les féministes des villes veulent libérer
leurs soeurs de la brousse écrasées de travail et privées de droits. Selon
elles, une révolution dans le statut de la femme est le seul espoir de
la démocratie et de l'économie en Afrique. Na Traoré a la poignée de main ferme, une main immense, crevassée, durcie par des épaisseurs de corne. Cette femme de la brousse africaine estime avoir quarante-cinq ans mais elle en paraît facilement dix de plus. Elle n'est jamais allée à l'école. A l'adolescence, une femme du village lui a fait l'ablation, à froid, du clitoris et des petites lèvres avec une lame de rasoir. Depuis qu'elle a dix ans, Na Traoré dit qu'elle n'a jamais eu de temps libre. Les mêmes corvées rythment invariablement ses journées, du lever au coucher du soleil. Elle nettoie la case. Elle va chercher vingt kilos de bois à quatre kilomètres du village et les rapporte sur sa tête. Même routine pour l'eau du puits dont elle transporte quinze litres pour arroser son jardin. Avec un gros pilon, elle bat le mil à une cadence éreintante et à la sueur de son front. Elle prépare à manger pour son mari (que son père a choisi pour elle et qui la bat parfois) et pour ses sept enfants, dont cinq filles, qui ne vont pas elles non plus à l'école parce que leur père s'y oppose. Pour alléger sa charge de travail, Na Traoré aimerait bien que son mari prenne une seconde épouse. Est-elle heureuse? Après quelques secondes d'un silence étonné, la réponse tombe dans un grand éclat de rire: "Mais bien sûr! Quelle question!" |
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